Irak: l'école après Daesh
En Irak, les combats sanglants ont poussé de nombreuses familles à fuir, alors que d’autres sont restées piégées sous l’occupation de Daesh. Deux ans après la libération de Tal Afar, la ville panse ses plaies. Des milliers d’enfants sont traumatisés et déscolarisés. Terre des hommes apporte aux enfants un soutien psychologique et éducatif pour accompagner leur retour sur les bancs de l’école.
Tal Afar, août 2017. Les combats font rage. L’armée irakienne et les forces paramilitaires reprennent le dernier bastion irakien de l’Etat islamique, retranché dans les murs de la ville. A mi-chemin entre Mossoul et la frontière syrienne, Daesh y a pris le pouvoir depuis 2014. 5000 civils sont pris au piège, les autres ont fui leurs foyers. La ville sera libérée quelques jours plus tard.
Tal Afar, septembre 2019. Les forces armées ont quitté la ville et les combats se sont tus. Mais les stigmates de la guerre sont encore visibles partout dans les rues : bâtiments éventrés et murs criblés de balles ravivent des souvenirs encore douloureux dans les esprits.
A l’école primaire d’Abu Maria, les cris et les rires des enfants résonnent dans la cour. Autour, les classes du petit bâtiment se ressemblent : un tableau blanc fatigué et des bancs usés entre quatre murs à la peinture qui s’effrite. Un interrupteur bricolé permet d’enclencher les vieux ventilateurs qui offrent un courant d’air dans la chaleur écrasante de cette fin d’été. Pendant que certains enfants jouent à l’extérieur, d’autres s’appliquent à leurs exercices d’écriture. Une scène qui aurait été impossible il y a tout juste deux ans.
Dans une classe de Tal Afar.
«La vie était très difficile sous l’occupation de Daesh. Il n’y avait pas d’eau potable, ni de sucre pour le thé. Il n’y avait rien. Nous étions comme des personnes mortes, raconte timidement Dalia*, 12 ans. Je ne pouvais pas sortir de la maison car c’était trop dangereux à cause de Daesh et des mines.» Comme la plupart des familles de la région, Dalia, ses parents et ses quatre frères et sœurs ont vécu plusieurs années sous le joug de l’Etat islamique avant de fuir vers Mossoul, laissant tout derrière eux.
Déscolarisation et traumatismes
Deux ans après la libération de Tal Afar, près de la moitié des 200’000 habitants de la ville ont pu revenir chez eux. Les années de déscolarisation et les traumatismes des enfants font partie des enjeux majeurs actuels pour les familles. Pendant l’occupation djihadiste, les écoles de la région ont été fermées, utilisées comme entrepôts d’armes et parfois bombardées.
Lors de la reprise des cours, enfants et enseignants sont confrontés à des défis importants. «Nous avons remarqué des cas de comportements violents parmi les élèves», explique Afrah Hamzeh, chargée des activités psychosociales de Terre des hommes. Beaucoup d'enfants ont été traumatisés par cette période. La plupart d’entre eux ont perdu un proche ou un membre de leur famille.
«On a eu par exemple le cas d’un enfant de 11 ans très agressif. Il frappait ses camarades. Son comportement était dû aux violences qu’il a dû affronter. Il a vu des explosions pendant le conflit, poursuit Afrah. Nous avons pris en charge ce garçon, lui avons apporté un soutien psychosocial et offert un espace de dialogue. Son comportement s’est vraiment amélioré depuis. Même ses parents sont venus nous voir pour nous dire que c’était devenu un enfant paisible et gentil.»
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Un accompagnement adapté à chaque enfant
Présentes sur la ligne de front en Irak depuis 2014, les équipes de Terre des hommes ont pu commencer leur travail à Tal Afar très rapidement après la libération de la ville. Depuis fin 2017, elles s’engagent dans la région pour accompagner le retour à l’école des enfants – près de 1600 en 2019. Le travail se fait avec les enfants eux-mêmes, à qui nous offrons un suivi psychologique individuel ou en groupe, selon leurs besoins. Pour les enfants qui ont des difficultés en classe, nous organisons des cours de rattrapage dans quatre domaines : la langue arabe, l’anglais, les maths et les sciences.
Les cours de rattrapage aident les élèves à réintégrer plus facilement le cursus scolaire officiel.
Amal*, 15 ans, confie avec maturité: «Les jeux nous donnent l’occasion de nous exprimer et de parler des problèmes que nous avons à la maison ou dans le quartier. J’étais très timide avant et au fur et à mesure, j’ai appris à tenir ma tête haute et à parler plus fort».
Dans la cour de l’école d’Abu Maria, l’excitation est à son comble. Deux équipes tentent de déplacer le plus rapidement possible un bâton en passant par un parcours de cerceaux et de cônes. Chaque équipe encourage son joueur en criant à pleins poumons et en sautillant. «Ces activités aident les enfants à oublier les temps difficiles», explique Abdel Aziz, spécialiste en protection de l’enfance. En plus de leur apporter une distraction, ces moments permettent surtout de transmettre aux enfants des compétences essentielles comme la coopération, l’entraide, la communication et la négociation.
Afrah Hamzeh, chargée des activités psychosociales de Tdh, anime un jeu dans une école de Tal Afar.
L’éducation, la clé de l’avenir
A Tal Afar, le contraste entre la destruction omniprésente et l’espoir est frappant. A un moment charnière pour le développement de l’Irak, l’éducation joue plus que jamais un rôle clé pour assurer un futur à la jeune génération et ainsi consolider l’avenir de leur pays. Comme Amal, pour qui le vœu le plus cher pendant le conflit était de retourner un jour à l’école. «J’aimerais devenir la première enseignante femme dans mon village et donner des cours à des enfants qui n’ont jamais été à l’école.»
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Crédit photos : © Tdh/Vincent Haiges
*Les noms ont été changés pour le respect de la vie privée.
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