Syrie
Aide d’urgence suite au séisme. Votre aide est précieuse.

Fatima Ardat,
responsable de la protection de l’enfance au Liban

«Je tente de faire évoluer les mentalités à travers la prévention».

Au Liban, les jeunes filles sont de plus en plus victimes de violences sexistes et sexuelles en raison de la crise. Fatima Ardat est en charge du projet de Terre des hommes qui prend soin de ces jeunes femmes et adolescentes. Elle tente de faire évoluer les mentalités à travers la prévention.

A quoi tient l’augmentation des violences sexistes et sexuelles qu’on observe au Liban ?

Elle découle des multiples crises qui frappent le pays depuis des années : la crise sanitaire du Covid, la crise des réfugiés liée à la guerre en Syrie, la crise économique, le choc causé par l’explosion du port de Beyrouth. Quelle que soit la communauté, syrienne, palestinienne ou libanaise, les femmes ont la responsabilité de s'occuper des enfants, de faire le ménage, de gérer l’intendance… Elles jouent aussi souvent un rôle essentiel sur le plan économique. Leurs maris ont tendance à tout attendre d’elles alors que ces femmes portent déjà beaucoup sur leurs épaules et ont des difficultés à exprimer leurs propres besoins. Si elles ne peuvent travailler du fait de la crise, cela engendre des tensions au sein de la famille qui peuvent conduire à des situations de violence.

Quelles sont les réponses apportées par Terre des hommes ?

En partenariat avec l’organisation libanaise Abaad à Beyrouth ainsi que dans les régions du Mont-Liban et de la Bekaa, nous œuvrons à la protection et au développement des capacités des filles de moins de 18 ans qui sont mariées ou exposées au risque d’un mariage d’enfants et des femmes jusqu'à 24 ans exposées à la violence. Nous nous adressons à 80 % aux familles réfugiées originaires de Syrie et à 20 % aux familles libanaises. Dans le cadre de ce projet, nous avons ouvert des espaces protégés où les jeunes filles abusées peuvent venir se confier. Nous essayons de les accompagner avec un soutien psychosocial, juridique, éventuellement financier et, si nécessaire, médical avec la consultation d’un gynécologue. Elles peuvent aussi suivre des formations aux premiers secours et des cours d’auto-défense. Dans les zones rurales, nous atteignons des personnes vulnérables qui sont parfois empêchées de se déplacer vers nos espaces protégés, grâce à une unité mobile. Parce que le soutien des femmes ne peut être envisagé sans prendre en considération le rôle des hommes, notre projet comprend aussi un important volet de sensibilisation. Nous recourons à différentes méthodologies pour faire évoluer les comportements. Nous organisons notamment des tables rondes auxquelles participent des garçons, des hommes, ainsi toutes les parties prenantes telles que les tribunaux religieux, les juges, les communautés, les ministères dont l’engagement est nécessaire au changement. Nous sollicitons leur collaboration quand une jeune fille est en danger, comme par exemple dans le cadre d’un mariage forcé. La sensibilisation de ces hommes est un défi, mais nous tenons compte de leurs intérêts et de leurs capacités et nous nous appuyons sur l’expérience acquise lors de précédents projets.

Que vous enseigne votre travail ?

J’éprouve beaucoup de satisfaction à trouver des solutions pour les femmes ou les enfants en grand danger que nous accompagnons. Au Liban, Tdh est l’une des rares organisations à répondre au téléphone en fin de semaine ou tard le soir. Fréquemment, des particuliers ou des organisations nous contactent en pleine nuit pour nous confier des jeunes filles en situation critique. Notre réputation est un gage de confiance et les gens savent que l’on peut compter sur nous dans l’urgence. Je suis non seulement fière de ce que j’accomplis au niveau professionnel, mais je l’applique dans ma vie personnelle. J’apporte ce que j'apprends grâce à Terre des hommes à mes filles. Je leur transmets des outils pour être résilientes dans la société qui est la nôtre.