Yann Colliou,
Responsable du Programme Accès à la Justice (A2J) de Tdh
«La justice pour les enfants et les jeunes reste un véritable enjeu: on estime à plus d’un million le nombre d’enfants dans le monde privés de liberté. Plus de 70% d’entre eux sont en attente de jugement.»
«La justice pour les enfants et les jeunes reste un véritable enjeu: on estime à plus d’un million le nombre d’enfants dans le monde privés de liberté. Plus de 70% d’entre eux sont en attente de jugement. Le temp maximum de détention préventive n’est souvent pas respecté, les conditions de détention peuvent être effroyables, les taux de récidive sont importants et peu d’enfants bénéficient d’une aide juridique spécialisée.
Une justice formelle qui n’atteint pas toute la population
La communauté internationale et les pouvoirs locaux se concentrent généralement sur des programmes de soutien aux institutions officielles et négligent les systèmes traditionnels de justice – c’est-à-dire qui ne relèvent pas de l’Etat. Or, la justice étatique est souvent géographiquement inaccessible et considérée comme corrompue. Les décisions de justice mettent beaucoup de temps à être rendues et ne sont pas toujours culturellement adaptées. Les systèmes traditionnels de gestion de conflits communautaires ont quant à eux la confiance d’une grande partie de la population. Il n’existe donc pas un système de justice pour tous.
Je travaille sur le sujet de la justice traditionnelle depuis de nombreuses années. J’ai pu observer de la réticence de la part des représentants de la justice d’Etat, mais également du respect envers la justice traditionnelle à laquelle ils ont eux-mêmes parfois recours. Dans certains contextes, il arrive que juges et procureurs consultent systématiquement les représentants de la communauté avant de prendre des décisions. Les acteurs traditionnels ont également la volonté de partager leurs pratiques, de les rendre plus transparentes et de collaborer avec les systèmes de justice d’Etat.
Beaucoup de scepticisme entoure toujours cette thématique. Dans la justice coutumière, certaines pratiques vont à l’encontre des droits humains. Il ne s’agit pas de nier l’existence de ces manquements et dérives, mais d’y apporter des réponses.
Une approche hybride
Tdh cherche à offrir un meilleur accès à la justice pour les enfants et les jeunes en rapprochant les systèmes de justice formels et informels et en instaurant une collaboration entre les différents acteurs. Pour cela, nous explorons trois hypothèses:
1. La première est d’avoir une meilleure connaissance et reconnaissance des bonnes pratiques des systèmes de justice coutumière, dans le respect des droits de l’homme.
2. La seconde est qu’une meilleure collaboration des acteurs officiels et traditionnels doit contribuer à se rapprocher et à apporter d’autres réponses que des mesures répressives.
3. La troisième hypothèse estime qu’un ajustement des législations permettrait d’établir des relations formelles entre les acteurs de la justice officielle et les acteurs de la justice coutumière.
Les résultats obtenus par Terre des hommes
Les recherches et projets menés par Tdh au Moyen-Orient, en Amérique latine, en Afrique et en Asie depuis plusieurs années dans le domaine de la justice traditionnelle sont très encourageants. Ils nous permettent de démontrer de véritables avancées:
- Nous constatons une augmentation de la participation des enfants dans les mécanismes de gestion de conflits traditionnels ;
- L’intérêt supérieur de l’enfant est de plus en plus pris en compte dans les décisions ;
- La collaboration entre les acteurs de la justice formelle et informelle s’améliore.»