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21.09.2022 - Actualité

Inde: Dans les pas des joueuses de Kabaddi

«La règle la plus importante du Kabaddi, c'est la liberté,
il faut la maintenir à tout prix.»

Soma Das, cheffe de projet Kabaddi pour Terre des hommes, connaît sa mission. Les filles qu’elle accompagne doivent devenir libres. Sur le terrain mais surtout en dehors. Et si le chemin pour atteindre l’objectif est long et tortueux, on remarque déjà de grandes avancées. Il suffit d’observer les filles sortir une par une de leur train à Calcutta : regards déterminés mais joyeux, sourires accrochés aux lèvres, elles plaisantent, rient et s’animent.

Elles arrivent en provenance de Malda, Siliguri ou Berhampur, où elles résident, pour participer à la Kabaddi league. Appartenant à des communautés ayant migré de zones rurales pour se rapprocher des grandes villes, elles ne sont pas vraiment habituées aux voyages. « Celles qui avaient l’expérience des premiers tournois ont aidé les autres », explique Paulami De Sarkar, cheffe du programme protection en Inde. C’est l’une des forces du Kabaddi et de ce projet initié par Tdh avec Praajak, son partenaire en Inde, en collaboration avec le gouvernement du Bengale-Occidental et les autorités locales : inciter les filles à se sentir fortes collectivement, à s’entraider et à créer des liens pour comprendre qu’à plusieurs, c’est plus facile de se défendre.

Du bruit et de l’émotion autour du terrain

A Calcutta, le public est venu en nombre pour la compétition et il règne une certaine ébullition pendant les matchs. Les filles s’affrontent par équipes de sept et font parler malice, souplesse, force physique et discipline tactique. Chaque session de jeu dure trente secondes au cours de laquelle une équipe envoie l’une des siennes, la «raider» dans le camp adverse. Elle doit parvenir à toucher au moins une adversaire et revenir dans son camp sans se faire prendre, sinon, elle est éliminée. D’où cette quête absolue de liberté… Et si elle parvient à toucher une adversaire, elle la fait sortir du jeu et «ressuscite» une de ses camarades. L’équipe ayant le moins d’éliminées à l’issue de la partie gagne la rencontre.

Après le tournoi, les filles sont félicitées par des responsables gouvernementaux, des championnes de la discipline et des membres de la fédération nationale. Paulami est heureuse d’assister à ces hommages. «Cela veut dire beaucoup pour les filles mais surtout pour leurs parents: ils sont encore plus encouragés à nous les confier, générant ainsi une répercussion positive au sein de la communauté.»

Convaincre les parents

C’était l’un des grands enjeux au départ du projet : parvenir à convaincre les familles que les adolescentes ont le droit de jouer au Kabaddi. « Nos travailleurs sociaux ont effectué un important travail de terrain pour gagner la confiance des familles », explique Deep Purkayastha, directeur de Praajak. Les défis étaient nombreux. Le premier était d’obtenir l’autorisation de laisser les filles sortir de la maison, en tenue de sport, alors qu’elles ne sont normalement pas autorisées à porter des shorts.

«Depuis la première Kabaddi league, les choses ont évolué», ajoute Soma. raconte Soma. Les parents ont vite saisi l’enjeu quand un argument décisif a été avancé : la possibilité que les filles puissent trouver un emploi si elles performent en Kabaddi, comme le résume Deep : « grâce aux certifications de la fédération de Kabaddi, elles peuvent entrer dans les corps des forces de l’ordre ou devenir coach en intégrant la fédération. C’est donc une chance pour les parents si leur fille peut trouver un travail ».


Le premier grand défi pour nos équipes sur place est de gagner la confiance des parents pour laisser leurs filles jouer au Kabaddi.

Tout ce qui touche à l’avenir préoccupe en effet les familles. Dans ces communautés très pauvres, la question du travail est cruciale. Les jeunes filles sont destinées à être mariées rapidement pour soulager les finances familiales. Les jeunes hommes, pas plus motivés à l’idée d’une union précoce, doivent aussi accepter la décision de leurs parents et quitter l’école pour subvenir aux besoins de leur nouveau foyer. Et l’histoire se répète, de génération en génération.

Ces communautés sont souvent installées dans des zones insalubres où les équipements publics sont rares. Beaucoup ont investi les terrains gouvernementaux autour des voies ferrées et leurs logements de fortune résistent mal aux intempéries. Mais les jeunes filles, dopées par ce qu’elles apprennent auprès des animateur·rice·s de Tdh, ont envie de se battre.


Les joueuses de Kabaddi lors de leur entraînement : l’esprit d’équipe est une compétence de vie qu’elles y apprennent.

Des modèles pour les autres filles

Peu à peu, les parents font plus qu’accepter ces changements : ils en sont même fiers, comme le souligne Sulekha, la mère de Kashmira, 16 ans, une fille qui participe au projet Kabaddi à Malda. « Je veux que ma fille soit une personne instruite et indépendante. » Le père témoigne de la métamorphose de Kashmira. « Avant, elle était très silencieuse mais maintenant elle est devenue la personne la plus bavarde de la maison. » La principale concernée a conscience de son évolution. Elle sait déjà comment réagir si ses parents décident de la marier de force : « j'arrêterai de manger, je menacerai de quitter la maison et je montrerai mon visage en colère. »

Kashmira a conscience que son avenir est en train de se jouer maintenant. « Si je me marie sans emploi, je n'aurai plus de valeur. Si j'ai un travail, je contribuerai à faire vivre la famille autant que mon mari et j'aurai donc les mêmes droits que lui pour m’exprimer. » Un message qu’elle veut aussi transmettre aux autres jeunes filles. « Je veux aider les filles défavorisées comme moi, m'assurer qu'aucune fille ne soit torturée ou forcée de se marier comme l’a été ma mère. Elles ne doivent pas souffrir.

Si Kashmira se sent aussi forte aujourd’hui, c’est grâce aux leçons apprises au Kabaddi et lors des sessions sur la thématique du genre. Elle se dit aussi inspirée par l’histoire d’une camarade de jeu, Hasina, qu’elle juge « stupéfiante ». Hasina a échappé à un mariage alors qu’elle était âgée de 16 ans grâce à son entrée dans l’équipe de Kabaddi. Depuis, elle est une icône pour de nombreuses adolescentes de sa communauté car elle a été sélectionnée au niveau de l’Etat et envisage un avenir professionnel dans ce sport. Lorsqu’elle se rend sur les terrains pour prodiguer ses conseils, son nouveau statut impressionne les plus jeunes. Car c’est de cela qu’il est question désormais : de transmission.

Depuis le début du projet, plus de 1400 filles ont pris leur envol grâce au tremplin du Kabaddi. Qu’elles soient reparties de Calcutta et de la Kabaddi league avec ou sans médaille n’a pas été d’une grande importance : ce voyage constitue pour chacune d’entre elles une étape de plus dans leur quête de liberté et d’indépendance


Kashmira avec le trophée que son équipe a remporté à la Kabaddi league pour la catégorie des moins de 18 ans.

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«Grâce à mon propre développement, j’ai eu ensuite la chance d’aider les autres à se développer.»

Bandana Mandal, animatrice dans le projet Kabaddi

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Crédit photos: © Tdh/Ranita Roy

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